
C'est entendu, il m'arrive de pleurer quand des jeunes filles ne sont pas gentilles avec moi ;-), il m'arrive aussi parfois de pleurer en regardant ma vie et l'espace qu'il me reste à parcourir. Oui, certains de mes lecteurs (c'est un rôle qui écherrait encore mieux à certaines de mes lectrices...) pourront dire que je pleure sans cesse et sans raison. Libre à eux (à elles) ! Mais si quelqu'un dit cela, je pleure...
Rien de tout cela aujourd'hui. J'avais lu ce poème de P. Neruda il y a longtemps, peut-être même l'avais-je quelque peu étudié en cours d'espagnol, mais depuis ce temps, toujours m'étaient restés en mémoire les derniers vers :
"Venid a ver la sangre por las calles,venid a verla sangre por las calles,venid a ver la sangrepor las calles!"
C'est un des mantras que je me répète souvent dans les moments de solitude.
L'envie m'a pris de relire ce texte dans son intégralité. Et alors j'ai pleuré. C'est ici, que tout a commencé :
"y por las calles la sangre de los niños
corría simplemente, como sangre de niños."
Ne pleure pas lecteur, c'est une peine inutile.
Pour une fois, je vais donner la citation en espagnol, puis sa traduction.
"Preguntaréis : Y dónde están las lilas?Y la metafísica cubierta de amapolas?Y la lluvia que a menudo golpeabasus palabras llenándolasde agujeros y pájaros?Os voy a contar todo lo que me pasa.Yo vivía en un barriode Madrid, con campanas,con relojes, con árboles.Desde allí se veíael rostro seco de Castillacomo un océano de cuero.Mi casa era llamadala casa de las flores, porque por todas partesestallaban geranios: erauna bella casacon perros y chiquillos.Raúl, te acuerdas?Te acuerdas, Rafael?Federico, te acuerdasdebajo de la tierra,te acuerdas de mi casa con balcones en dondela luz de junio ahogaba flores en tu boca?Hermano, hermano!Todoeran grandes voces, sal de mercaderías,aglomeraciones de pan palpitante,mercados de mi barrio de Argüelles con su estatuacomo un tintero pálido entre las merluzas:el aceite llegaba a las cucharas,un profundo latidode pies y manos llenaba las calles,metros, litros, esenciaaguda de la vida,pescados hacinados,contextura de techos con sol frío en el cualla flecha se fatiga,delirante marfil fino de las patatas,tomates repetidos hasta el mar.Y una mañana todo estaba ardiendoy una mañana las hoguerassalían de la tierradevorando seres,y desde entonces fuego,pólvora desde entonces,y desde entonces sangre.Bandidos con aviones y con moros,bandidos con sortijas y duquesas,bandidos con frailes negros bendiciendovenían por el cielo a matar niños,y por las calles la sangre de los niñoscorría simplemente, como sangre de niños.Chacales que el chacal rechazaría,piedras que el cardo seco mordería escupiendo,víboras que las víboras odiaran!Frente a vosotros he visto la sangrede España levantarsepara ahogaros en una sola olade orgullo y de cuchillos!Generalestraidores:mirad mi casa muerta,mirad España rota:pero de cada casa muerta sale metal ardiendoen vez de flores,pero de cada hueco de Españasale España,pero de cada niño muerto sale un fusil con ojos,pero de cada crimen nacen balasque os hallarán un día el sitiodel corazón.Preguntaréis por qué su poesíano nos habla del sueño, de las hojas,de los grandes volcanes de su país natal?Venid a ver la sangre por las calles,venid a verla sangre por las calles,venid a ver la sangrepor las calles!"("Explico algunas cosas", Pablo Neruda)
(Vous demanderez "où sont les lilasEt la métaphysique couverte de coquelicotsEt la pluie aux mots criblésDe lacunes et d'oiseaux ? "Voici :Je vivais dans un quartier de Madridavec des horloges, avec des cloches, avec des arbres.De là on voyait au loin le visage sec de la Castillecomme un vaste océan de cuir.Ma maison s'appelaitLa maison des fleurs. De tous côtésjaillissaient des géraniums ;c'était une belle maisonavec des chiens et des enfants.Raoul, tu te souviens ?Te souviens-tu Raphaël ?Federico, te souviens-tu ?Toi qui dors sous la terre,Te souviens-tu de ma maison aux balconsOù la lumière de juin étranglait des fleurs dans ta bouche ?Tout n'était que voix ardentes,sel des marchandises,agglomérations de pain palpitant ;Les marchés de mon quartier d'ArguellesAvec sa statue comme un encrier pâli.L'huile roulait dans les cuillers,Un profond battementde pieds et de mains emplissait les rues.Mètres, litres, essence profonde de la vie.Meules de poissons entassésContexture des toits avec le soleil froiddans lequel se dressait la flèche lassée,L'ivoire délirant et fin des pommes de terre,Vagues houleuses de tomates roulant jusqu'à la mer.Et un matin tout prenait feuUn matin des brasiers sortirent de terreDévorant les hommes.Et depuis lors le feu,La poudre depuis lorsEt depuis lors le sang.Des bandits avec des avions, avec des Maures,Des bandits avec des bagues et des duchesses,Des bandits avec des moines noirs et des prièresVinrent du haut du ciel pour tuer les enfants.Par les rues le sang des enfants des enfantsCourut simplement comme du sang d'enfant. Chacals que les chacals repousseraientPierres que les chardons secs mordraient en crachantVipères que les vipères haïraient,Devant vous j'ai vu le sang de l'Espagne se souleverPour vous noyer sous une vague d'orgueilEt d'éclairs de couteaux.GénérauxTraîtres :Regardez ma maison morteRegardez l'Espagne blessée.Mais de chaque maison morte sort un métal ardentEn guise de fleurs,Mais de chaque blessure de l'EspagneSort l'Espagne,Mais de chaque enfant mort sort un fusil avec des yeuxMais de chaque crime naissent des ballesQui vous chercheront un jour la place du cœur.Vous demandez pourquoi ma poésieNe parle pas du songe, des feuilles,Des grands volcans de mon pays natal !Venez voir le sang dans les ruesVenez voir le sang dans les ruesVenez voir le sang dans les rues.)("Expliquons-nous", traduction trouvée surhttp://www.groupefructidor.com/boutons&textes&photos/textes%20paix.htm)
Juste un détail, pour faire l'intéressant : je préfèrerais traduire la fin en respectant les retours à la ligne :
Venez voir le sang dans les rues,Venez voirle sang dans les rues,Venez voir le sangdans les rues !
Crédits photographiques : L'illustration de ce billet est une photo des ruines de Guernica, publiée sur Wikimedia Commons sous une licence Creative Commons Attribution ShareAlike 3.0 Allemagne par les Archives fédérales allemandes .
Merci pour ce poême et sa traduction que j'ai eu plaisir a retrouver, l'ayant étudié autrefois au lycée.
RépondreSupprimerCordialement