jeudi 30 juillet 2009

Réponse à un commentaire sur Facebook

Quelqu'un a écrit un commentaire sur Facebook en réponse à mon précédent billet . Voici le texte de ce commentaire :

Ne nous méprenons pas... je me tape de Beigbeder, et tout autant de ses écrits...
Mais cette réponse me choque, parce qu'a l'inverse tes arguments me semblent tristes. Si j'ai bien lu, tu revendiques presque une vie sur internet, fausse ou faussée, venant mettre un peu de couleur dans ta non vie ?
Si c'est bien le cas, alors oui, je trouve ça misérable... et puisque tu choisi de partager cela sur facebook, je me permet d'y répondre :)

Je peux comprendre que l'on puisse voir un certain romantisme dans la fuite de la réalité... les drogues, les reves... mais putain, là on parles de Facebook et de MSN !!!

Evidement, on ne se connais pas et je me permet juste de reagir a ce "texte", sans vouloir a aucun instant porter atteinte a son auteur ;)
Comme ma réponse est trop longue pour être postée comme commentaire sur Facebook, je la dépose ici :

C'est bien ainsi que j'entends ton commentaire ! Je ne vois en toi ni un thuriféraire de F. Beigbeder (pour lequel au demeurant je n'ai ni antipathie ni sympathie particulières, à vrai dire), ni un ennemi decidé à avoir ma peau ! Tu fais bien de répondre et si j'ai partagé cela sur Facebook et sur mon blog, c'est aussi pour que tu puisses répondre.

Tu as bien lu, me semble-t-il. Tu as bien lu, mais tu n'as pas bien compris (soit dit sans t'offenser). Tu n'as pas compris parce que tu portes sur le monde le même regard que F. Beigbeder (en tout cas, celui qu'il manifeste dans le texte dont il est question) qui est aussi celui que porte notre société sur cette question : je ne revendique pas une vie fausse ou faussée sur internet et je ne parle pas de non vie ! Ma vie sur internet est plus vraie que la tienne en dehors !

D'abord, une petite précision sur ma vie (ou non vie), sur celle que tu appelles vraie : en me voyant, tu n'imaginerais sans doute pas que je suis l'auteur de ce texte. Dans ma 'vraie' vie, j'ai un 'vrai' emploi, une 'vraie' famille (c'est-à-dire une 'vraie' femme et un 'vrai' enfant), j'ai une 'vraie' maison, une 'vraie' voiture, je porte de 'vraies' chemises propres et j'ai même quelques 'vrais' amis. J'ai une vraie vie plutôt heureuse, merci. :-)

Mais je suis un sociopathe, ou un grand timide, appelle ça comme il te plaira. J'aimerais rencontrer des gens, j'aimerais passer des soirées en conversation avec des inconnus, pour découvrir d'autres personnalités, d'autres goûts, d'autres préoccupations. J'aimerais ça, mais je ne le puis pas. Oh bien sûr, je suppose que pour quelqu'un d'extraverti, c'est de la paresse, de la faiblesse, que je n'ai qu'à me secouer ou d'autres choses de ce genre. Sans doute... Je ne sais pas si c'est quelque chose qu'on peut imaginer... Permets-moi de te raconter une petite anecdote, pour que tu puisses entrevoir de quoi je parle : un jour, j'ai eu une conversation téléphonique avec une jeune fille qui était importante à mes yeux (en tout bien, tout honneur, je suis marié, souviens-toi). C'était la première fois que je lui parlais en 'vrai'. Elle m'a dit qu'elle avait fait de la musique... Il aurait été normal que je lui demande de quel instrument elle jouait, tu ne crois pas ? Tu lui aurais demandé, toi ? Je n'y ai pas pensé. Ou pour être plus exact, je n'y ai pas pensé dans un premier temps, puis je me suis dit que ce serait une question ridicule, que peut-être qu'elle ne jouait d'aucun instrument... C'est drôle dit ainsi, mais au fond ça ne l'est pas en général. Bien sûr, un peu plus tard, je vois le ridicule de mes réticences, mais plus tard, il est souvent trop tard ("Il y a une demi-heure, tu as dit que tu avais fait de la musique, tu te souviens ? Et de quel instrument jouais-tu ?", c'est une correction en forme de coq-à-l'âne qui peut être drôle une fois dans une conversation, mais qui lasse vite...).

Tu peux trouver ça triste, misérable, méprisable, nul, pathétique. C'est ce que j'ai pensé longtemps, que je pense encore parfois (en raccrochant d'une conversation avec une jeune fille qui est importante à mes yeux, par exemple). J'y ai beaucoup réfléchi. En fait, j'ai la faiblesse de penser qu'il existe des êtres humains moins intelligents que moi (même s'il ne sont pas majoritaires, bien sûr), qu'il en existe qui écrivent moins bien que moi, qu'il en existe qui sont moins sensibles que moi à certaines choses, qu'il en existe qui sont moins beaux que moi (euh... non là j'avoue, ça je ne le crois pas vraiment, même si je suis disposé à écrire avec verve et courtoisie à toutes les personnes qui m'enverront un mail pour m'assurer que j'ai tort de ne pas le croire ;-)) En somme, j'ai fini par me convaincre que j'ai des qualités et que le fait d'avoir certains défauts, même s'ils sont assidûment stigmatisés par notre société, ne faisait pas de moi un loser, un taré, un monstre. J'ai fini par me convaincre que chaque médaille à son revers, mais qu'il convient d'en présenter l'avers.

J'aime rencontrer des gens, j'aime passer des soirées en conversation avec des inconnus, pour découvrir d'autres personnalités, d'autres goûts, d'autres préoccupations. Et sur Facebook, ou ailleurs sur internet, je le fais. Dans mes amis de Facebook, j'ai des gens de tous les âges, de tous les sexes, de beaucoup de nationalités, d'horizons culturels variés. Bien sûr, beaucoup ne sont pas de vrais amis (mais je me flatte toutefois que certains en soient). L'autre jour, j'ai pris l'avion avec un collègue et en sortant, il parlé pendant cinq minutes avec une autre passagère du roman qu'elle lisait ; je trouve ça bien, mais je serais incapable de le faire. A la place, j'ai ce genre de petites conversations sur Facebook... :-)

Ma 'vraie' vie sociale n'est pas aussi épanouie que je le voudrais, mais j'ai une vie sociale épanouie sur FB... Et elle n'est pas moins vraie ! Les gens avec qui je parle sont de vrais gens ! N'es-tu pas vrai toi ? Pour ma part, je te jure, je ne suis pas un robot ! Pourquoi des relations entre de vraies personnes seraient-elles moins vraies sous prétexte qu'elles utilisent internet ? Est-ce qu'il y a des degrés de vérité ? Est-ce qu'une conversation téléphonique avec un de tes amis est moins vraie que la même conversation autour d'un verre ? Et si vous avez cette conversation lors d'un repas ou en marchant dans la rue, est-elle plus ou moins vraie ? Si c'est sur MSN, j'ai bien compris, elle est fausse.

Tu trouves ma vie triste. C'est une sollicitude dont je te sais gré, mais je t'assure qu'elle est bien inutile. Je ne suis pas triste moi ! Je ne suis pas triste du tout ! Mon Facebook, mon MSN, mon blog et plein d'autres choses comme ça, c'est bien assez pour me combler. Tu vois, je viens de passer la soirée à te répondre, parce que ça me fait plaisir ! J'aurais pu me forcer à sortir, à aller m'attabler dans un bar, à boire avec componction douze cafés l'un après l'autre, pour ne pas avoir l'air d'un con solitaire et désoeuvré, à jeter çà et là des œillades vaguement envieuses aux tables animées, avant de rentrer chez moi en me reprochant de n'avoir trouvé personne à qui parler ou de n'avoir su que répondre à quelqu'un qui m'aurait adressé la parole. Au lieu de ça, j'ai passé la soirée à dire des choses qui me tiennent à coeur à quelqu'un de sympathique (toi !), tout en conversant de temps à autre sur MSN avec un très jeune homme qui prend plaisir à aménager son jardin et à étudier l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et dont le téléphone a une connexion versatile. Je ne sais pas ce qui est le plus vrai dans cette alternative, mais je sais ce que je préfère. Alors sois triste pour moi, prends pitié de moi, si c'est ce qui te plaît, mais, de grâce, ne me souhaite rien d'autre !

Je n'aurais peut-être pas dû dire que j'étais désespéré. Quand j'ai écrit ce texte, il y a quelques mois, je l'étais un peu (je venais de raccrocher d'une conversation avec une jeune fille qui était importante à mes yeux ;-) ). J'aurais mieux fait, sans doute, de dire "désabusé", mais peu importe : j'ai cessé d'espérer, j'ai cessé d'attendre qu'une place se fasse pour moi dans une vie que je ne comprends pas, j'ai décidé de cultiver mes points forts au lieu de déplorer mes tares. C'est cette désespérance qui me fait prendre plaisir à la vie.

1 commentaire:

  1. C'est interessant comme discussion.
    Je me mefie toujours des suceptibilité de mes interlocvuteurs "virtuels", puisque justement je ne ne les connais jamais "vraiment".
    Internet prive de beaucoup de choses, comme le jeu des apparences... j'ai envie de dire qu'il ne reste que l'esprit. Il est aisé de se faire passer pour un personnage choisi. Sur internet tout le monde est ami avec tout le monde... tout est plus facile...
    Pour répondre et clore ce débat, je vais juste te parler un peu plus de moi... et tu constateras a quel point nous sommes si differents (mais tu dois deja le savoir au vu de l'entame de cette conversation) et en quoi ceci explique cette "opposition".
    Deja sache que c'est la premiere fois que je me lance dans une telle demonstration ecrite sur le web. Pourquoi maintenant ? parce que ton texte m'a interloqué, et que je fatigue un peu de ces gens qui projettent sur moi des choses que je ne suis pas... et ce a cause de la "deformation" due au web...

    Je suis confronté au net tout les jours: myspace, facebook, etc... j'ai choisi ces "lieux" parce que c'est important pour moi d'avoir un espace d'exposition dans la grande toile virtuelle. Les gens que j'y cotoie ne sont pas mes "amis", mais des gens avec qui je suis suceptible d'entrer en contact, souvent parce qu'ils s'interessent a mon travail.
    Je suis quelqu'un de super sociable, j'adore ça... le jeu des apparences, rencontrer des gens, avec qui le contact peut etre bon ou mauvais. Je rencontre des gens, et toi des avatars, des projections de tes interlocuteurs dans un monde virtuel. Bien sur il est possible de jouer un role dans le monde reel aussi, mais les enjeux sont autre.
    Lorsque je rencontre une personne et la regarde droit dans les yeux, il faut que j'assume ce que je viens de lui dire ou vais lui dire... je ne pourrais simplement "deconnecter". Cette nuance est fondamentale !!!
    Oui nous sommes differents, en société je suis super a l'aise, je parade, je blablate. Et quand je rencontre quelqu'un sur le web, mon seul interet est de rencontrer cette personne en "vrai"... tirer le virtuel vers le reel. C'est ça qui compte pour moi !

    Tu le dis toi meme et c'est simplement vrai, les gens qui se contentent d'une vie sur le web sont des faibles. Et les gens à la vie equilibrée (femme, enfants, voiture... et toutes ces choses que tu cites, que je considere comme des symboles faciles d'une realité normative)qui se refugient sur le net ont a mon avis quelque chose a soigner. Tu en es conscient, puisque tu te dis toi meme sociopathe.

    Donc voila... Si le web te permet de "remedier" un peu a ta maladie sociale alors c'est tant mieux. Si cela t'apporte, je n'ai pas a venir te dire que c'est malsain...
    Mais en temps qu'individu très, voir trop, construit socialement, avec une vie vraiment riche dans tout les domaines (creatifs, sentimentaux, amicaux, sexuels, professionnels, rock n'rollesque et j'en passe...) et bien j'ai du mal a comprendre les gens qui se satisfont du virtuel. Si tu savais combiens d'emails je reçois par jour de gens qui m'ecrivent pour me flatter et me complimenter, à qui je repond gentiment pour la forme, alors que je ne les connais pas du tout et que j'ai simplement accepter une "request" ... parfois je sent un tel faussé entre moi et certains "sociopathes" ... c'est palpable, ça m'angoisse, ça m'inquiete non pas pour eux, mais pour ... l'avenir !!! (haha)

    Voila pourquoi ton texte, qui est une sorte de manifeste dans cette voix, me choque !

    Je suppose que tu trouveras de quoi argumenter ... mais je ne vois là que deux realités qui se heurtent sans pouvoir se comprendre vraiment. Mais c'est interessant ;)

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