mercredi 16 septembre 2009

Deuxième tableau : Ataraxie



Puisqu'on me l'a demandée, voici la suite du texte "Ludivine ou l'absence". Je ne sais pas si j'écrirai et a fortiori si je publierai les autres textes de cet hexaptyque... Je compterai combien de commentaires ou de mails (il faut bien un peu d'opacité dans ce sondage... ;-)) me demanderont de continuer et je comparerai au nombre (et à la qualité) de ceux qui me supplieront de ne pas publier davantage.

Deuxième tableau : Ataraxie

Sache qu'il n'est pas facile de conserver sa volonté dans un état
conforme à la nature, et en même temps de veiller sur les choses du
dehors ; mais nécessairement, on ne peut s'occuper de l'un sans
négliger l'autre. (Epictète,
Manuel, XIII)

Je sortis du lycée. Comme tous les vendredis, je n'avais pas cours l'après-midi et je n'étais pas mécontente de pouvoir me détendre un peu, surtout que le soleil qui brillait laissait présager de bonnes heures sur ma chaise longue, pendant ce week-end prolongé. J'étais joyeuse, je ne pensais plus à ce qui me préoccupait, au bac, à ce garçon qui ne comprenait décidément rien, à tous ceux qui voulaient tout décider à ma place. Je ne pensais pas même à ces cigarettes qui me manquaient depuis la veille ! D'ailleurs, mon père m'avait promis de m'acheter un paquet et je me voyais déjà en savourer cinq coup sur coup, en allumant chacune avec le mégot de la précédente, pour rattraper le temps perdu... ou la nicotine perdue.

Sur le trottoir, je rencontrai Euphrosyne, qui m'attendait déjà, accompagnée de Véta. Nous fîmes quelques pas puis nous arrêtames devant le Carmel, pour attendre mon père, qui venait nous chercher en voiture. Ludivine se joignit à nous. Je ne l'avais pas vue depuis plus d'un mois. Elle nous apprit ses nouveaux projets et Euphrosyne lui reprocha amicalement de ne pas l'appeler
assez souvent. Je m'associai à ses reproches et nous ne la laissâmes pas protester. Nous savions bien au fond que ces absences n'étaient pas le signe d'un manque d'affection pour nous et nous comprenions qu'il lui soit parfois difficile de trouver du temps à nous consacrer, même si nous le regrettions.

Euphrosyne entreprit alors de nous faire le récit d'un épisode particulièrement frappant de sa matinée. Elle prit la parole, avec le torse bombé et un sourire charmeur aux lèvres, après avoir tiré négligemment sur sa cigarette. Je ne pus m'empêcher, comme à chaque fois que je la vois intervenir ainsi, d'admirer son charisme et la présence avec laquelle elle sait captiver son auditoire. Je lui ai souvent conseillé de faire du théâtre pour apprendre à mieux tirer
profit de cette aura naturelle. Soudain, elle s'arrêta au milieu d'une phrase.

Oh... le silence fut de courte durée et elle enchaîna aussitôt, Euphrosyne n'est pas une fille qui se laisse facilement émouvoir. Véta et Ludivine ne se rendirent même pas compte de cette hésitation. Mais à moi, à moi qui connaissais Euphrosyne depuis si longtemps, à moi qui avais partagé tous ses bonheurs et toutes ses peines depuis l'enfance, elle ne pouvait rien me cacher et aucune de ses émotions ne pouvait me rester inaperçue. Je vis bien qu'elle était troublée et la pâleur, faible, presque imperceptible, qui passa furtivement sur ses joues confirma cette impression. Aussitôt, je suivis son regard pour connaître la cause de cette réaction. Je ne vis rien, qu'un vieillard qui passait derrière moi avec les yeux fixés au sol. Comme il avait rougi, je me demandai s'il n'avait pas osé quelques geste ou quelque regard inconvenant à son intention.

En fin d'après-midi, nous profitâmes de la piscine de sa tante. Saisissant un moment d'absence de son ami pour l'interroger sur le ton de la confidence, je lui parlai de cette réaction et du vieillard, mais avec un embarras évident, elle affecta de ne pas comprendre à quoi je faisais allusion. Depuis lors, il ne s'est pas passé un jour sans que je doute de la confiance que je pouvais avoir dans sa franchise, même si elle reste, aujourd'hui encore, mon amie éternelle.

1 commentaire:

  1. Le deuxième texte est aussi bien que le premier!
    A quand les autres...

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