jeudi 30 avril 2009

"Génial" n'est pas vraiment le mot qui convienne, mais c'est le premier qui vient à l'esprit.

J'ai lu Choke de Chuck Palahniuk (l'auteur de Fight club, qui a été adapté au cinéma par David Fincher) il y a une semaine ou deux. J'ai habituellement de préventions contre les auteurs américains (même si les seuls auteurs contemporains que je lis sont américains, à peu de chose près) : j'ai toujours l'impression de ressasser des pages de Bukowski en les lisant, et pas toujours ses meilleures pages... Je m'attendais un peu à ce que Choke me donne cette même impression, avec ses personnages de paumés, dépendants et sociopathes.

Mes préventions me sont tombées sur les pieds et je comprends maintenant que certains considèrent ce livre comme le meilleur de Palahniuk.

Ce roman est en tout cas le meilleur que j'ai lu depuis longtemps ! Je n'ai pas encore fini d'en démêler l'enchevêtrement dans mon esprit, mais je n'ai pas voulu attendre pour partager deux extraits avec vous.

J'ai choisi le premier parce qu'il me semble révélateur de l'ensemble du livre et que, d'une certaine façon, il en est peut-être la clé. Le second m'a plu pour des raisons plus personnelles.

Je donne la version anglaise de chacun, parce que je sais qu'il est agréable de pouvoir se reporter à l'original d'une citation et aussi parce que l'anglais éclaire souvent la traduction.
De plus en plus, pour le petit gamin, c'était ça, l'idée...
A savoir que si un nombre suffisant de gens vous regardaient, vous n'auriez plus jamais besoin de l'attention de quiconque.
A savoir que, si un jour vous vous faisiez choper, et qu'on vous exposait à la lumière pour vous mettre à nu, vous ne seriez plus jamais capable de vous cacher à nouveau. Il n'y avait plus de différence entre votre vie privée et votre existence publique.
Que, si vous étiez capable d'acquérir suffisamment de richesses, d'accomplir suffisamment de choses, plus jamais vous ne voudriez aller plus loin.
Que, si vous pouviez manger ou dormir tout votre saoul, plus jamais vous n'auriez de besoins.
Que, si suffisamment de monde vous aimait, vous cesseriez d'avoir besoin d'amour.
Que vous puissiez jamais être assez intelligent.
Que vous puissiez jamais avoir assez de sexe.
C'était là tous les nouveaux objectifs que le petit garçon s'était fixés. Les illusions qu'il aurait pour le restant de ses jours. C'était là toutes les promesses qu'il voyait dans le sourire du gros mec."
(Chuck Palahniuk, Choke, "Folio policier", p. 61. Traduction de Freddy Michalski)

(More and more, for the stupid little kid, that was the idea...
That if enough people looked at you, you'd never need anybody's attention ever again.
That if someday you were caught, exposed, and revealed enough, then you'd never be able to hide again. There'd be no difference between your public and your private lives.
That if you could acquire enough, accomplish enough, you'd never want to own or do another thing.

That if you could eat or sleep enough, you'd never need more.
That if enough people loved you, you'd stop needing love.

That you could ever be smart enough.
That you could someday get enough sex.
These all became the little boy's new goals. The illusions he'd have for the rest of his life. These were all the promises he saw in the fat man's smile.)
Je ne commenterai pas davantage ce passage.

Pour l'autre, je dois faire une digression. Le roman tout entier est entré en résonance avec une expérience personnelle de mon passé récent, d'une façon tout à fait troublante. C'est à cause de ces échos que je choisis ce passage, mais son sens global concerne tous les lecteurs de ce blog, jusqu'au dernier ! Je serai donc contraint après cette citation d'apporter une précision autobiographique à destination de mes lecteurs qui me connaissent, ceux qui ne me connaissent pas voudront bien avoir la bonté de me le pardonner.
Même dans une église, même étendue sur un autel, sans ses vêtements, Paige Marshall, le Dr Paige Marshall, je ne voulais pas qu'elle devienne un autre beau cul de plus à tirer comme les autres.
Parce que rien n'est aussi parfait que ce que vous pouvez en imaginer.
Parce que rien n'est aussi excitant que votre imaginaire fantasmatique.
(Chuck Palahniuk, Choke, "Folio policier", pp. 222-223. Traduction de Freddy Michalski)

(Even in a church, even laid up on an altar, without her clothes, Paige Marshall, Dr. Paige Marshall, I didn't want her to become just another piece of ass.
Because nothing is as perfect as you can imagine it.
Because nothing is as exciting as your fantasy.)
Importante précision autobiographique pour les lecteurs, rares et improbables, mais choyés et révérés, qui auraient eu connaissance de l'expérience de mon passé récent avec laquelle ce roman est entré en résonance
Il est important de noter que dans l'expérience dont il est question, les choses ne se sont jamais posées dans ces termes. "Paige" n'a jamais été nue sur un autel, pour commencer... Et d'emblée, il a été exclu qu'elle soit "another piece of ass". Si donc elle a jamais été nue, c'est métaphoriquement ; je vous laisse libre de filer la métaphore, si le coeur vous en dit, je n'y veux avoir aucune responsabilité.
La seule vérité est : "Parce que rien n'est aussi parfait que ce que vous pouvez en imaginer."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire